L'atelier mexicain Redox est un espace d'enseignement et de création céramique à l'ambiance paisible et joyeuse. J'y ai effectué plusieurs stages et résidences car c ’est pour moi l’occasion de travailler sur de nouvelles idées et techniques mais aussi de rencontrer des artistes mexicains et d'ailleurs. La philosophie du lieu est de valoriser le travail de l’argile commune, afin de décoloniser les esprits.

Les débuts de l’atelier
Situé dans un quartier populaire de la ville mexicaine de Oaxaca, l’atelier Redox est tenu depuis près de 20 ans par Francisco Guevara Contreras et Jose Manuel Mendez Canseco. Les deux compères se sont rencontrés au début des années 2000. Francisco est diplômé du MOA. « C’est une école d’art fondée par le maître Mokichi Okada. Son objectif est de transmettre une synthèse du meilleur des traditions artistiques et culturelles japonaises et mexicaines », explique Francisco. C’est lui qui a initié Jose Manuel à la céramique, ce dernier n’ayant jusqu’alors d’yeux que pour la sérigraphie.

Jose Manuel Mendez Canseco et Francisco Guevara Contreras, fondateurs de l’atelier Redox
Un projet ponctuel qui a pris de l’ampleur
Voici comment a débuté le projet. En 2004, les deux amis ont décidé d’organiser une rencontre entre les acteurs de la céramique de la ville de Oaxaca et une délégation du MOA de Mexico. Pour cela, ils ont dû chercher un lieu, des soutiens et des fonds. Les délégués du MOA repartis, le projet de l’atelier était lancé. Il était évident pour Jose Manuel comme pour Francisco qu’ils allaient le faire vivre et le développer. Il tenait à coeur à Francisco que le lieu soit imprégné de la philosophie du MOA. C’est pour cette raison qu’un jardin japonais a été disposé à l’entrée et que l’ensemble de l’atelier est décoré dans un style zen. On ressent effectivement une sensation de détente et d’harmonie dès le portail franchi.

L’atelier de céramique est aménagé dans l’esprit Okada
L’époque des thérapies et de l’Ikebana
Les premiers temps, Francisco et Jose Manuel ont donné des séances de thérapie Okada et de Reiki, ainsi que des cours d’arrangements floraux japonais, aussi nommés Ikebana. Rapidement, ils ont observé que leurs élèves ne partageaient pas leur vision de l’art floral japonais. Ils ont donc mis de côté les cours d’Ikebana pour se concentrer sur la production de pièces utilitaires. Rapidement, les demandes pour des cours de céramique se sont multipliées.
Transmettre et valoriser
Lorsque les céramistes ont décidé de se concentrer sur l’enseignement, ils ont vendu toute leur production, afin de pouvoir acheter le matériel nécessaire à l’organisation des cours. Ils avaient tous deux en tête une intention très claire qui reste la même aujourd’hui: valoriser l’argile commune régionale et montrer que la terre cuite à basse température peut être de qualité et travaillée dans une démarche artistique.
C’est qu’au Mexique, l’argile commune est souvent travaillée dans les villages, par des artisan-e-s, d’origine indigène, ayant peu de ressources. Les objets réalisés sont le plus souvent utilitaires et vendus pour quelques sous sur les marchés. Ils ne sont pas vus comme étant de qualité et sont au mieux classés dans la catégorie de l’art populaire. Les artistes céramistes mexicains, le plus souvent métisses, citadins et disposant de ressources financières y préfèrent le grey. Les pièces qu’ils réalisent ont le plus souvent leur place dans les galeries et les expositions d’art contemporain.

Création de Francisco Guevara Contrera
Pour Francisco et Jose Manuel, il est nécessaire de faire tomber cette représentation et de démontrer que l’argile des montagnes de Oaxaca est de qualité et que l’on peut en faire des pièces artistiques, qu’elles soient utilitaires ou non. « L’utilisation de cette terre a une très longue histoire. Elle a été utilisée durant des siècles par les sociétés pré-hispaniques avec une qualité de réalisation inégalée », précise Francisco. C’est donc tout un travail de déconstruction d’une vision culturelle post-coloniale, où le monde indigène et sa culture sont dévalorisés au bénéfice de l’univers culturel métisse et blanc, qui est entreprise à l’atelier Redox.
L’utilisation de l’argile locale est centrale dans l’enseignement que les deux céramistes désirent transmettre à leurs élèves. « On peut utiliser des ressources locales et créer des pièces de qualité cuites à basse température tout en développant une démarche artistique, insiste Francisco. Il n’est pas forcément nécessaire d’utiliser du grey qui est une argile préparée, coûteuse et qui se cuit à haute température ».
Céramique et théorie
La volonté de l’atelier Redox, c’est aussi de transmettre des connaissances techniques sur la céramique. « Encore actuellement, les céramistes mexicains travaillent de manière très empirique, souligne Jose Manuel. C’est pourquoi, nous souhaitons apporter et développer de meilleures connaissances de l’argile et des techniques céramiques. Le plus souvent, les enseignants des écoles d’art mexicaines ne sont pas céramistes. Très peu de personnes sont donc formées de manière complète ». Après quelques années d’activité, les deux professeurs se disent heureux de voir à quel point leurs élèves ont modifié leur manière de voir l’argile commune. « Au départ, certains ne voulaient pas travailler avec cette terre. Ils pensaient qu’elle était tout juste bonne à produire des objets de mauvaise qualité », se rappelle Francisco.
Dans le but de développer les connaissances de leurs élèves, l’atelier Redoxorganise des cours de raku, de moulage et de préparation d’émaux.

Créations céramiques des élèves de l’atelier
Collaboration sphérique
En plus de l’enseignement, Francisco et Jose Manuel collaborent à différents projets artistiques. Récemment, ils ont travaillé avec l’architecte japonais Shinji Miyazaki pour la réalisation d’une installation sphérique. Durant près de quatre mois, les céramistes ont réalisé 800 pièces de huit tailles différentes. « Le plus difficile a été de trouver comment disposer les 437 pièces que nous avons finalement utilisées. Ceci sans compter toutes les difficultés techniques que nous avons rencontrées pour suspendre et illuminer cette oeuvre », explique Jose Manuel. Après deux semaines de montage test, l’harmonie a enfin été trouvée pour que la sphère révèle son essence et qu’elle puisse être installée et admirée dans un hôtel de luxe de San Miguel de Allende.

Installation sphérique réalisées en collaboration avec Shinji Miyazaki
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