Quelques jours après avoir posé ma valise dans la ville mexicaine de Oaxaca de Juárez, j’ai eu envie de faire un tour du côté de Santa Maria de Atzompa. Cette communauté regroupe près de 300 familles de céramistes. C’est avec Enrique de la galerie Agua y Tierra que j’avais rendez-vous pour aller à la rencontre des artisanes et artisans potiers d’Atzompa.

Four à bois et tour à pied
Notre visite a débuté avec l’atelier El Árbol del Hule, de la famille Olivera Torres. Ici toute la famille participe à la production d’assiettes, de tasses et d’autres objets utilitaires. Ce sont quatre générations qui vivent sous le même toit et qui participent aux différentes étapes de fabrication. Même le grand-père qui approche les 85 ans met encore la main à la pâte !

La famille Olivera Torres pose fièrement avec une céramique émaillée du vert typique d’Atzompa
Les hommes au tour, les femmes à la girelle
A Santa Maria de Atzompa l’argile est extraite d’une zone nommée San Lorenzo Cacautepec, située aux abords de la ville. Elle est encore parfois transportée par des ânes jusqu’aux ateliers qui ont passé commande. Une fois l’argile à la couleur ébène livrée, les hommes la broie, la tamise et la mélange à de l’eau. Lorsqu’elle est prête, elle est travaillée au tour par les hommes ou modelée par les femmes. Le tour de potier est toujours actionné à la force du pied. Pas de tour ou de four électrique dans les parages ! Une fois les pièces façonnées, elles sont séchées, puis cuites au four à bois. Lors de la cuisson, c’est toute la famille, même les enfants, qui est sollicitée.

Coeur façonné, cuit, émaillé et enfumé
Cuisson dans la tradition pré-hispanique
Comme c’est le cas dans la plupart des ateliers à Atzompa, la famille Olivera Torres cuit ses poteries dans un four à bois. Celui-ci se ferme grace à de grands morceaux d’argile cuite dont les pièces crues sont recouvertes pour former une sorte de couvercle. Cette technique de cuisson date de l’époque pré-hispanique. La première cuisson à basse température (environ 900°) sert à donner aux pièces plus de solidité. A cette étape, elles sont de couleur sable. Parfois, elles sont utilisées sous cette forme. Afin de durcir les pièces, de les imperméabiliser et de leur donner un aspect plus soigné, une deuxième cuisson est effectuée après que les céramiques aient été émaillées. L’émail traditionnel de la communauté est vert. Mais comme il s’obtient à base de monoxyde de plomb, les habitant-e-s mettent de plus en plus de côté cette émail pour d’autres recettes, plus respectueuses de la santé.


Ce type de four à bois était déjà utilisé à l’époque pré-hispanique
Emaillage en évolution
Les membres de la famille Olivera Torres utilisent toujours l’émail vert traditionnel d’Atzompa. Ils le mélange cependant à d’autres émaux, afin de réduit sa teneur en plomb. Lors de mon passage, ils venaient de terminer une commande de tasses et d’assiettes qu’ils avaient émaillées dans un ton transparent, puis plongées encore brûlantes dans un bain de feuilles et de sciure pour leur donner un aspect fumé et craqueler l’émail.


Assiettes et tasses en céramique émaillées et enfumées
Céramique ou pâtisserie
Enrique m’a ensuite emmenée chez sa tante, Doña Josefina Garcia. La vieille dame au regard malicieux m’a reçue dans son atelier aux murs de terre battue, construit par ses parents, eux aussi potiers. Comme tu l’auras compris, l’argile c’est le plus souvent une histoire de famille à Atzompa. Et pourtant, même si les filles de la céramiste ont commencé par suivre le chemin de leur maman, elles ont finalement préféré l’art de la pâtisserie. C’est qu’à Atzompa, les poteries se vendent pour quelques pesos sur les marchés locaux ou à des revendeurs. De plus en plus souvent, les jeunes ont tendance à mettre de côté la céramique pour d’autres activités plus lucratives.
La spécialité de Josefina, c’est la fabrication d’objets décoratifs ornés avec la technique du pastillage et les « jouets », ces minuscules objets, parfois en forme d’animaux, qui décorent les cuisines mexicaines. Je me suis assise quelques minutes à ses côtés pour façonner une mini carafe et l’observer modeler des salières qui allaient prendre la forme de canards coiffés d’un chapeau. Après de nombreuses heures de façonnage et un long et pénible travail de cuisson, elle ira vendre sa production au marché de Oaxaca pour quelques sous.



Carafe « jouet » et salières façonnées par Doña Josefina
Têtes de mort et croix fleuries
Une technique de décoration qui est très prisée à Atzompa, c’est le pastillage. Cette technique consiste à façonner des sculptures décorées de fleurs qui sont fixées à des tiges métalliques. C’est à l’atelier Arte Popular que j’ai pu admirer le travail de la famille Blanco. Dans cet atelier-galerie tenu par sept frères et soeurs, le pastillage est à l’honneur. Têtes de mort, coeurs et croix sont décorés de fleurs et d’animaux. Le procédé de fabrication est le même que dans la plupart des ateliers de la communauté. A la seule différence que la famille utilise un four à gaz pour cuire certaines pièces dont les émaux colorés nécessites une cuisson plus stable et plus élevées. Les poteries en question représentent des êtres surnaturels sortis tout droit de l’imaginaire de l’un des membres de la famille.

Poteries pastillées séchant au soleil avant d’être cuites



Technique traditionnelle du pastillage
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